Alors que les spectateurs se dispersaient peu à peu pour profiter de la fête, Cyril vit un visage familier se détacher dans la foule. Les traits de sa sœur se dessinaient dans le clair-obscur de cette nuit, encadrés par ses cheveux blonds, pareils à ceux d’un ange. Il sourit à la vue de sa chère petite sœur lâchée dans la ville comme une femme. Il remarqua ensuite qu’elle avait l’air contrariée, et qu’elle fouillait dans ses poches à la recherche de quelque chose, qu’elle ne trouvait visiblement pas. Il la suivit du regard alors qu’elle s’arrêtait devant un de ces cafés ou vous pouviez commander sans même vous asseoir. Le serveur lui apporta un verre de vin rouge, et, après quelques gorgées, elle plongea sa main dans sa poche, en sortit une boîte métallique, l’ouvrit, et attrapa une cigarette, qu’elle porta à ses lèvres. Puis, elle recommença à chercher frénétiquement dans ses poches, et eut un air exaspéré en ne trouvant toujours pas. Cyril eu un sourire amusé, à la vue de sa sœur qui cherchait désespérément quelque chose pour allumer sa cigarette. Il écrasa la sienne, et s’approcha d’un pas décidé vers sa « frangine », comme il avait l’habitude de l’appeler.


Sur son chemin, il croisait des gens de tous âges, amusés, effrayés, euphoriques, qui se fondaient tous dans la foule. Il cherchait du regard des gens qu’il aurait pu connaître, son frère, Ôly, peut-être ? Mais il ne voyait pour l’instant personne des Folies. Étrange, en ce jour de fête, ou les employés du cabaret étaient connus pour se faire quelques extras en performant en pleine rue. Il se dit que, comme la fête s’étendait le long du Canal, il rencontrerait forcément un de ses collègues et amis au fur et à mesure du temps qu’il arpenterait l’endroit. Mais pour l’instant, il avait au moins trouvé sa sœur, en beauté, encore plus que les autres jours. Elle ne charmait pas que les serpents, il le savait. Peut-être était-ce pour ça, aussi, qu’il voulait passer le reste de cette soirée avec elle. Il ne voulait pas qu’elle tombe aux mains de dieu sait qui. Elle s’apprêtait à aborder un passant lorsqu’il arriva à sa hauteur.


« C’est de ça dont tu as besoin ? », dit-il, d’un ton rieur, en lui brandissant une boîte d’allumettes sous le nez.


Elle eu d’abord l’air surpris, poussant même un petit cri, puis elle se mit à rire, de ce rire qui attendrissait toujours Cyril. Elle s’empara de la boîte, plantant son regard dans celui de son frère l’air de dire « Merci, mais j’aurais pu me débrouiller seule ». Cyril le savait, mais c’était plus fort que lui. C’était sa petite sœur, quand même ! Il sortit lui aussi une cigarette, qu’il plaça entre ses lèvres. Lui & sa sœur partagèrent un sourire malicieux, puis la jeune fille craqua une allumette, qu’elle plaça entre Cyril & elle. Ils allumèrent leurs cigarettes en même temps, « économie d’allumettes », avait-elle dit. Puis, il l’entraîna, et ils se mêlèrent aux passants, le long de la fête.


« Qu’est ce qui t’emmènes ici, frangine ? Rendez-vous ? » demanda-t-il avec toujours l’espoir de passer une bonne soirée à plusieurs.

« Je sais même pas ! Je déteste ce genre de trucs ! »

La jolie blonde avait lâché ces mots comme une complainte. Ainsi, elle détestait cet endroit, ce genre de festivités ? Mais que faisait-elle ici ? Peut-être, se disait Cyril, sa sœur était-elle venue ici noyer quelconque chagrin. Il lui décocha un sourire, le genre qui la rendait hilare lorsqu’elle était enfant. Mais Zoéline n’était plus une enfant, et son visage était crispé dans une expression d’ennui. Elle se hissa sur la pointe des pieds, dans l’espoir commun avec son frère d’apercevoir un visage familier. Mais rien. Elle retomba avec légèreté, et un soupir, avant de demander à son frère s’il avait un rendez vous.

« Tu me l’aurais dit, quand même ?
- Bien entendu… si cela avait été le cas. »

Il voyait bien que sa soeurette mourrait d’envie de savoir s’il avait des nouvelles d’une certaine demoiselle du cabaret. Ce qui n’était pas le cas. Et loin de lui l’envie d’en parler. Il voyait la mine déconfite de sa sœur après cette réponse sèche, il se reprit, et se remit à sourire.

« Mais bon, ne nous morfondons pas ! »

Il poussa sa sœur vers la foule, et ils se retrouvèrent dans l’amas des corps en délire. La jeune fille lança un regard assassin à son frère, l’air de dire « Dans quoi tu nous à encore fourrés ?! », mais lui n’en avait cure. Il alluma une nouvelle cigarette, jouait avec la fumée du bout des doigts. Son âme de saltimbanque le poussa à alpaguer les gens, à entrer dans la danse, en emmenant sa sœur, qu’il tenait fermement par la main. La jeune femme virevoltait sur ses talons, et commença à sourire. Le frère et la sœur dansaient désormais, cette danse ordinaire que tous connaissent sans réellement le savoir. Cyril & Zoéline Viscoete, réunis après que la vie se soit montrée dure, dansaient enfin ensemble de nouveau, lorsqu’ils firent un rencontre innatendue…